PROJET DE F.A.Q.

Prob-Expert, une version en ligne

Le nouveau logiciel Prob-Expert a été développé par 3IE EPITA dans le cadre d’un partenariat avec le Cercle des entrepreneurs du futur. http://www.laprospective.fr/cercle-des-entrepreneurs.html

De nouvelles fonctionnalités

Par rapport à la version téléchargeable qui ne réalise que des traitements de données, la version cloud permet de diffuser une enquête Prob-Expert auprès des membres d’un panel, ces derniers y participant en ligne. Les réponses sont suivies en ligne, et les résultats produits en ligne de manière dynamique. Les fonctionnalités de la version téléchargeable sont maintenus (export de données d’entrées et résultats, édition d’un rapport des résultats).

L’ensemble des enquêtes réalisées par un administrateur donné peuvent être conservées, actualisées, relancée.

De nouveaux graphiques

De nouveaux types de graphiques d’aide à l’interprétation, sont disponibles :

  • Histogrammes qui permettent de visualiser les classements des hypothèses et des scénarios
  • Plans qui permettent de positionner les différents scénarios dans l’espace
  • Courbes qui permettent de comparer les opinions émises par les différents groupes d’experts

Exportation des données

L’outil Prob-Expert permet l’exportation de l’ensemble des données saisies et résultantes vers les logiciels Microsoft Word, Excel, offrant ainsi la possibilité de retoucher les graphiques et de créer des rapports complets.

Importation de données

Afin de simplifier la saisie des différentes données, Prob-Expert permet de les importer depuis un fichier Excel.

Confidentialité et service cloud

A quoi sert la méthode Prob-Expert de probabilisation des scénarios ?

Parmi les méthodes d'impacts croisés, la méthode Prob-Expert présente l'avantage d'une mise en oeuvre assez simple basée sur l’établissement d'un questionnaire. Elle est peu coûteuse et rapide pour l’obtention de résultats facilement interprétables.

La méthode Prob-Expert consiste à interroger un panel d'une manière aussi rationnelle et objective que possible, en dépassant un seuil (la trentaine de personnes interrogées) à partir duquel les expériences passées semblent montrer que la loi des grands nombres commence à jouer lorsque on s'adresse à un milieu relativement restreint. Autrement dit, on obtiendrait très vraisemblablement les mêmes résultats en interrogeant 100 ou 150 personnes.

Description de la méthode

De plus, la méthode se déroule généralement sous la forme d'une interrogation par voie postale et permet, de ce fait, d'éliminer la part de subjectivité due à l'enquêteur puisqu'au lieu de juger d'après des phrases, on juge d'après des réponses chiffrées. L'imprécision des réponses de l'expert est réduite car on lui demande d'apprécier la probabilité de réalisation d'une hypothèse à l'aide d'une probabilité allant de 1 (probabilité très faible) à 5 (événement très probable). Puis d'apprécier, sous forme de probabilités conditionnelles, la réalisation d'une hypothèse en fonction de toutes les autres. La note 6 correspond alors à l'indépendance des hypothèses.

De ce fait, l'expert est amené à réviser plusieurs fois son jugement et, d'une certaine manière, est contraint de révéler la cohérence implicite de son raisonnement. Le revers de la médaille réside dans le fait que l'on est obligé de caractériser l'avenir d'un phénomène complexe par un nombre limité d'hypothèses contrairement à ce que font certains sondages. Mais ceux-ci ne tiennent pas compte de l'interdépendance entre les questions posées et aboutissent souvent à des réponses apparemment contradictoires ce qui peut être parfois également un avantage.

La méthode oblige à un travail d'information et de réflexion très important afin de sélectionner les hypothèses essentielles. D'où l'importance de l'analyse structurelle et de la compréhension des jeux d'acteurs pour identifier les variables clés et formuler les hypothèses stratégiques. On remarquera au passage que la quantité d'information recueillie à l'occasion d'une enquête Prob-Expert , 60 à 80 questions, auxquelles répondent en général 40 à 60 experts, est du même ordre de grandeur que la quantité d'information fournie par un sondage classique portant sur deux ou trois questions auprès d'un échantillon de 1000 personnes représentatif de la population française. On comprend ainsi qu'il faut faire un choix entre une forte représentation pour un nombre faible de questions et une analyse en profondeur de la "vision du monde" d'un petit nombre d'experts.

Quel est le principe de Prob-Expert ?

La réalisation, à un horizon donné, d'une hypothèse constitue un événement et l'ensemble des hypothèses constitue un référentiel dans lequel il y a autant d'états possibles, c'est-à-dire d'images finales que de combinaisons de jeux d'hypothèses. La méthode Prob-Expert permet, à partir d'informations fournies par des experts, de choisir, parmi les 2n images possibles, celles qui méritent d'être plus particulièrement étudiées, compte tenu de leurs probabilités de réalisation.

Il est demandé aux experts interrogés (en groupe ou de façon isolée) de fournir une information sur :

  • la liste des n hypothèses considérées comme fondamentales pour l'objet de l'étude : H = (H1, H2 n) ;
  • les probabilités simples de réalisation à un horizon donné :
    • P(i) probabilité de l'hypothèse Hi
  • les probabilités conditionnelles des hypothèses prises deux à deux :
    • P (i/j) probabilité de i si j est réalisée
    • P (i/non j ) probabilité de i si j n'est pas réalisée.

En pratique, les opinions émises à la suite de certaines questions particulières portant sur des hypothèses non indépendantes sont incohérentes relativement aux contraintes classiques sur les probabilités. Ces opinions brutes doivent être corrigées de telle manière que les résultats nets respectent les conditions ci-dessous :

  • O < P(i) < 1
  • P(i/j).P(j) = P(j/i).P(i) = P(i.j)
  • P(i/j).P(j) + P(i/ nonj).P(nonj) = P(i)

Le principe de la méthode Prob-Expert consiste à corriger les opinions brutes exprimées par les experts de manière à obtenir des résultats nets cohérents (c'est-à-dire satisfaisant aux contraintes classiques sur les probabilités), les plus proches possible des estimations initiales.

La méthode tient compte du fait que les opinions émises à la suite de certaines questions particulières, portant sur des hypothèses non indépendantes, renferment une certaine part d'incohérence par rapport à l'opinion globale inexprimée, mais implicite, si l'on considère l'ensemble des réponses aux autres questions. On pourrait penser à optimiser une certaine fonction des probabilités individuelles et conditionnelles sous les contraintes ci-dessus. Mais la non-linéarité des contraintes sur les probabilités des hypothèses isolées impose des conditions particulières à l'optimum ; ceci nous conduit à nous intéresser aux probabilités des combinaisons d'hypothèses, c'est-à-dire des scénarios de situation.

Le principe retenu est d'obtenir des probabilités nettes et cohérentes sur les hypothèses à partir des probabilités des jeux d'hypothèses, c'est-à-dire de l'opinion globale inexprimée mais implicite sur les scénarios.

Résultats : hiérarchie des scénarios et analyse de sensibilité.

Le logiciel fournit d'abord une solution dite médiane de répartition des probabilités sur les jeux d'hypothèses. Cette solution qui, tout en minimisant la forme quadratique, est la moins éloignée possible de la solution équiprobable, qui donnerait à chaque scénario la même probabilité. Par opposition, il y a dans l'infinité des solutions possibles en ∏ certaines qui donnent des valeurs extremums à chacun des scénarios. Le logiciel donne la séquence des 8 premiers extremums. Pour ces 8 premiers extremums, le logiciel fournit aussi la plage des incertitudes entre la valeur minimale et maximale que peut prendre un scénario.

Le module de calcul Prob-Expert donne pour chaque expert la séquence des probabilités des scénarios qui affectent la valeur la plus élevée au scénario le plus probable :

Nous obtenons ainsi un classement cardinal des scénarios possibles, ce qui permet de délimiter le domaine des réalisables en ne retenant que ceux ayant une probabilité non nulle.

A l'intérieur du domaine des réalisables, on peut distinguer des scénarios plus probables que d'autres, parmi lesquels on pourra choisir des situations de référence et des situations contrastées. Des probabilités des jeux d'hypothèses, on peut déduire des probabilités simples et conditionnelles cohérentes des hypothèses, c'est-à-dire satisfaisant aux conditions a, b, c rappelées plus haut. La suite de la méthode consiste en une analyse de sensibilité et permet de déduire des variables motrices (ou dominantes) et des variables dominées.

Les effets de l'action sur chaque hypothèse sont mesurés par les coefficients d'élasticité eij. On construit ainsi une matrice d'élasticité dont les totaux marginaux en ligne donnent, pour une variation relative de la probabilité de i (10 % par exemple), les sommes (en valeur absolue) des variations relatives induites sur les probabilités des autres hypothèses. Cette somme traduit en quelque sorte la motricité de l'hypothèse i sur les autres. De même, les totaux marginaux en colonne permettent d'apprécier la dépendance des hypothèses.

L'analyse de sensibilité indique donc quelles sont les hypothèses dont il faut favoriser ou empêcher la réalisation pour faire évoluer le système dans le sens souhaité. Ces élasticités peuvent être calculées par simulation (en faisant tourner plusieurs fois le modèle des relations entre les probabilités).

Choix des images finales

On dispose, pour chaque expert retenu, de la solution médiane et des probabilités des scénarios. Le programme calcule alors la moyenne des probabilités des scénarios, pour l'ensemble des experts. Le classement moyen ainsi obtenu permet de dégager le noyau le plus probable. Ainsi, par exemple, pour six événements et 64 scénarios possibles, on constate, en général, qu'un tiers des scénarios rassemble 90 % de la probabilité et un sixième entre 60 % et 75 %.

C'est en tenant compte de cette information sur les probabilités de scénarios par groupe d'experts et en moyenne que l'on choisit un ou plusieurs scénarios de référence (scénarios souvent cités, et avec une forte moyenne de probabilités) et des scénarios contrastés par leur nature et leur combinaison d'hypothèses et souvent caractérisés par leur probabilité moyenne plus faible.

Finalement, le rôle de la méthode Prob-Expert se résume essentiellement à cerner les avenirs les plus probables qui feront l'objet de la méthode des scénarios. Une fois les images finales déterminées, l'objet de la méthode des scénarios consiste alors à décrire de façon cohérente les différents cheminements qui, partant de la situation actuelle, y conduisent et ce, compte tenu des mécanismes des évolutions et des comportements d'acteurs analysés dans la base.

Utilités et limites de Prob-Expert ?

Les méthodes dites d’interactions probabilistes constituent un progrès par rapport au Delphi puisqu’elles présentent l’avantage de prendre en compte les interactions entre événements. Contrairement au DELPHI, la méthode Prob-Expert tient compte de l’interdépendance entre les questions posées et assure la cohérence des réponses. Elle est de mise en oeuvre assez simple. Son déroulement est assez rapide et les résultats obtenus en général facilement interprétables.

Elle constitue aussi un excellent “garde-fou” intellectuel qui permet souvent de remettre en cause certaines idées reçues et surtout de vérifier que les scénarios étudiés couvrent une part raisonnable du champ des probables, c’est-à-dire, qu’il y ait au moins, selon les experts, 6 à 7 chances sur dix que la réalité future corresponde à l’un de ces scénarios.

Il faut cependant rester vigilant et éviter autant que faire se peut une application trop mécanique de ce type de méthodes et ne pas oublier que les probabilités obtenues restent des probabilités subjectives, c’est-à-dire ne reposent pas sur des fréquences observées, mais sur des opinions.

L’information recueillie au cours d’un Prob-Expert est considérable car il y a autant de hiérarchies des scénarios que d’experts interrogés. On se trouve donc face à un problème d’agrégation des réponses de plusieurs experts. L’une des solutions consiste à dresser une typologie des experts en fonction de la proximité de leurs réponses, ou à les considérer par groupes d’acteurs. En effet, l’analyse des réponses des différents groupes d’experts contribue aussi à mettre en lumière les jeux de certains groupes d’acteurs. Les données brutes et nettes obtenues (et représentées le plus souvent sous forme d’histogrammes), permettent en effet de dégager certains consensus, de faire apparaître, grâce à des analyses de sensibilité, des écoles de pensée, et ainsi d’identifier certains groupes d’experts ou d’acteurs.

Mise en point vers 1972-1973 par Michel GODET au CEA, puis développée par la SEMA, la méthode Prob-Expert a connu depuis lors un nombre important d’applications tant en France qu’à l’étranger. De nombreuses autres méthodes d’interactions probabilistes ont été développées, depuis le milieu des années soixante, tant aux Etats-Unis qu’en Europe.

Bibliographie

  • BENASSOULI P., MONTI R., “La planification par scénarios, le cas Axa France 2005”, Futuribles, n°203, novembre 1995.
  • DUCOS G., “Delphi et analyses d’interaction”, Futuribles, n°71.
  • GODET M., “Impacts croisés : exemples d’applications”, Futuribles, n°71, novembre 1983.
  • GODET M., Manuel de prospective stratégique, Dunod, Paris, 2007..
  • GODET M., Creating Futures : scenario-building as a strategic management tool, Economica-Brookings, Paris, 2001.
  • HELMER O., Looking forward : a guide to futures research, Sage publications, 1983.
  • MARTINO J.P., Technological forecasting for decision making, Mac Graw Hill, 1993.